Mais les équipiers ! Il y en a de tous les âges, de tous les styles, de toutes les nationalités... Nous avons nos fans clubs thaïlandais, canadiens et belges, entre autres. Nous avons nos habitués, dont fait partie Cécile, par exemple, qui s'est révélée au gré des balades de plus en plus marrante et attachante, après des débuts un peu capricieux. Nous avons même trouvé le cadre dans lequel la placer dans le cours de navigation des Glénans, celui de l'équipière qui, par gros temps, ne dit pas grand-chose, mais chaque matin met des rubans frais dans ses cheveux.
Tugdual, également Tugdu, entrerait dans la catégorie des toujours partants, toujours prêts, ne dit pas grand-chose, mais remarque tout, un peu bougon par moments, et dont la bonne humeur se traduit par un "pom pom pom pe di la" inattendu, mais révélateur. Il y a Étienne, costaud, sportif, qui a participé à plus de carénages et de galères que de petites navigations cools, et dont le vrai baptême de marin fut la fameuse nuit du quinze août, force huit et belles vagues !
Il y a toute notre armada de frangins, frangines, cousins, cousines, copains, copines... Il y a en fait chacun de ceux qui sont montés à bord et qui a marqué par sa présence le petit bout de route auquel il a participé. Ces moments de navigation sont aussi l'occasion de laisser à chacun le loisir de s'exprimer, communiquer, faire la sieste, s'activer au gré de ses envies, son état d'esprit du moment et de son humeur.
Il y a des silencieux, il y a des bavards, dont certains redoutables qui attaquent dès le petit déjeuner et commencent à raconter leurs rêves et à meubler le silence. Il y a des nonchalants, il y a des speedés. Il y a mon papa, grand pêcheur (de poissons) devant l'éternel, ne quittant pas la ligne des yeux et du geste pendant la journée et commentant abondamment ses faits et gestes.
Il y a Nick, naviguant visiblement pour faire plaisir à Bruno, mais dont la mer n'est pas vraiment le truc. Il y a Alain le Canadien à l'humour décapant, prêt à traverser l'Atlantique pour une petite croisière en Ilboued. Il y a Patrick et sa famille, créanciers de Bruno et qui ont donc un droit un peu spécial sur notre liste d’équipage. Et David, qui devient petit à petit un vrai marin, avec juste un seul petit défaut, c’est de toujours s’installer dans les endroits les plus passants, genre la descente menant à la table à cartes lorsqu’on navigue dans des endroits un peu critiques et que les allers-retours entre la carte, le decca et l’extérieur deviennent nécessaires.
Il y a aussi tous les plus jeunes, Jérémy, Julie, Gaëtan, Youn... pour qui Ilboued est une aventure et un souvenir de vacances merveilleux. Jérémy a fêté ses six ans en traversée, Ilboued mouillé dans une petite crique, devant l'Auberge de la mer où un gâteau l'attendait. Youn, embarqué à l'improviste par son grand-père pour un petit tour aux Glénans, tout seul sans son doudou et sans une couche de rechange, s'est retrouvé promu capitaine d'honneur de l'Ilboued, puisqu'il y avait déjà trois capitaines de sa famille et une capitaine comme il l'expliquait. Mais quand même, le soir venu, et loin de sa maman, il s'inquiétait de savoir si les capitaines, lorsqu'ils sont tristes et loin de leurs parents, ont le droit de pleurer un petit peu...
Petite Anne a été la plus jeune de nos équipières, embarquée alors qu’elle n’avait que trois semaines, elle s’est vaillamment comportée, et est revenue plusieurs fois depuis. Et nous nous rappelons tous ses embarquements et débarquements d’Ilboued à l’annexe, transbahutée dans un couffin dont une anse a lâché le lendemain.
La vie à bord en général se passe tranquille et cool, faite d'abord de ce que chacun veut en faire. L'équipage, c'est des rythmes et des habitudes de vie différents, ceux qui tombent de sommeil quand d'autres veulent passer la nuit à observer les étoiles, refaire le monde en discutant, chanter et picoler... C'est un gentil bordel qui s'installe peu à peu dans le bateau, c'est surtout des moments de rire, de musique, des soirées entre parenthèses, un peu magiques. C'est des Trivial Pursuit effrénés, c'est des questions-réponses tous azimuts, c'est des copains, et c'est super.
Ilboued doit vraiment avoir un charme particulier, car nous trouvons à l'improviste un équipage sur le pied de guerre, prêt à embarquer et donc à supporter nos humeurs. Le livre de bord des premières sorties fait état, mais c'était exagéré de balades pendant lesquelles nous étions dans la plus complète illégalité côté sécurité. Et avec cet équipage déjà trop nombreux, si nous nous arrêtions du côté de Doëlan ou de Merrien pour pique-niquer, il n'était pas rare de repartir avec un ou deux volontaires de plus.
J'ai du mal à croire les histoires invraisemblables qu’on nous raconte de matelots embarqués de force pour des courses lointaines... Et combien me semblent magiques et irréels les rares week-ends passés presque clandestinement à deux sur le bateau.