Et qu'est-ce que vous avez cassé en route?
Bonjour, nous sommes les voisins ! Vous n'auriez pas un peu de joint pour nous dépanner ?
— Ah, ah, ah... de la pakalolo... mais c'est interdit par ici ! Quoique si tu vas te balader le soir à côté du marae, tu demandes aux jeunes qui fument...
— Ah bon, merci pour l'info, mais là, c'est simplement pour réparer le moteur hors-bord...
À Nuku Hiva, le moteur de l'annexe donnait des signes de faiblesse. C'est finalement avec un bout de carton soigneusement découpé et enduit de graisse que Bruno l'a réparé. L'autre moteur, le principal, nous a aussi causé quelques soucis à l'arrivée sur Hiva Oa aux îles Marquises. L'alternateur nous donnait plus d'énergie que nous ne pouvions en consommer, et Ilboued avançait tellement bien pendant la traversée que nous n'avions pas fait tourner le moteur pendant une dizaine de jours. Si bien qu'à l'approche du mouillage, encrassé par le mauvais gas-oil des Galapagos, celui-ci a refusé de démarrer. Il était gommé.
Mais Bruno a retroussé ses manches et mis les mains dans la mécanique. Grâce aussi au WD40, l'ami du marin, et à la gentillesse d'un mécanicien local qui nous a submergés de bons conseils et a emmené nos batteries pour les recharger à bloc chez lui, nous avons finalement retrouvé le ronron familier du moteur avec un plaisir indescriptible...
D'après nos lectures de quart de nuit, certains de nos prédécesseurs illustres passaient une bonne moitié de leur temps de voyage à recoudre des voiles qui se déchiraient aussitôt rehissées. À part le spi qui s'est déchiré sur la route de Panama, car il s'était pris dans le bout dehors, et l'enrouleur qui était coincé à l'arrivée sur les îles Loyauté, le gréement ne nous a causé aucune inquiétude. Peut-être aussi fallait-il savoir être raisonnable par moments et réduire la voilure à temps pour ménager le matériel...
Nous en avons croisé certains qui devaient se croire en régate autour du monde, et qui ont dû monter cinq ou six fois en haut du mât changer des poulies ou réparer des drisses en traversant l'Atlantique ! Ce sujet était assez brûlant sur Ilboued, Brigitte ayant une fâcheuse tendance à penser que peut-être il faudrait affaler la misaine et rouler un peu de génois, alors que Bruno sortait pour enlever le ris déjà pris dans l'artimon... Mais les ordres du capitaine ont toujours été respectés à bord, et finalement tout s'est toujours bien passé !
Mis à part ces petits incidents, nous n'avons vraiment pas eu de galères. La pompe à eau de mer s'est mise à fuir aux Galapagos. Bruno pourrait maintenant la remonter les yeux fermés, à force de l'avoir démontée et remontée plus de vingt fois. Mais il n'y a rien eu à faire, et nous avons fait la vaisselle sur le pont jusqu'à ce que Dominique nous amène une pompe neuve à Tahiti. Le câble coaxial du GPS, blessé au niveau du passage du pont, a fini par se sectionner, et nous sommes devenus des pros de la navigation astronomique pendant les quelques jours qu'il nous a fallu pour trouver une solution de dépannage...
Et c'est vraiment tout ce qui nous est arrivé ! Un bateau bien préparé, bien rodé, c'est sans doute un des secrets d'un voyage réussi, lorsque l'imprévisible ne se manifeste pas !