Les premiers explorateurs connaissaient les Fidji comme des îles inexplorées, d'approche dangereuse, habitées par de féroces cannibales.
Il paraît que ceux-ci allaient jusqu'à couper un doigt ou la langue de leur victime, et leur faisaient goûter leur propre chair avant que de les achever... Les temps ont changé, et les Fidjiens sont maintenant les gens les plus accueillants qui soient, souriants, gentils, adorables ! Un coup d'État récent en 1987, expression du malaise existant dans la cohabitation des communautés indienne et mélanésienne, a pas mal chamboulé l'économie du pays, et surtout l'infrastructure touristique qui commençait à se développer.
Mais Ilboued ne s'est pas laissé impressionner, ni par ce passé un peu agité de l'archipel, ni par l'énorme grain qui l'attendait devant Suva, ni par l'hostilité montante contre la France dans les pays du Pacifique. Et l'escale aux Fidji fut encore un moment inoubliable !
Les derniers quarts de nuit précédant l'arrivée avaient été bien occupés par la confection du pavillon fidjien, un peu compliqué à réaliser. À peine hissé, aussitôt déchiré, ce petit drapeau a provoqué quelques railleries de la part du capitaine, mais nous avions indiscutablement le plus beau pavillon de courtoisie du port.
Ilboued a trouvé une place royale au ponton des visiteurs du R.S.Y.C. (Royal Suva Yacht Club). Le coin des douches (chaudes !) et machines à laver était un véritable petit salon où l'on cause, et les "two french sisters" furent bientôt connues de toutes, et de tous, et leur capitaine faisait bien des envieux. Le bar était très "british", et les garçons stylés en chemise blanche et pantalon ou jupe noire (car les hommes sont très fréquemment en jupe dans le pays, même les policiers et hommes d'affaires, dérive du dhoti indien ou du kilt écossais ?).
Et c'est là que nous avons rencontré Don et Brian (australien et néo-zélandais), et puis un autre Don, et Marylin, et Brenda, et plein de nouveaux copains... Il y avait même un négociant en vins navigateur, cabotant dans les îles du Pacifique à bord d'une cave flottante, et vérifiant la consommation de Cointreau dans les bouisbouis et les bistrots des Fidji et d'ailleurs. Quel métier !
Alors l'escale à Suva, ce fut tous ces nouveaux amis, tellement complices et proches de nous, et l'ambiance de ce petit Yacht-Club. Ce fut aussi les gardiens de nuit, Samu et Terry, qui nous avaient totalement adoptés. Samu était tellement touché que nous l'ayons invité un soir à partager la tambouille du bord qu'il est revenu le lendemain avec deux marmites de poisson au lait de coco et de racines de taro, cuisiné par lui-même pour nous remercier... Il y a eu les soirées mémorables à bord, guitare et BBQ, les missions impossibles du style quête de courroies de remplacement pour l'alternateur d'arbre d'hélice... Il y a eu la postière de la poste centrale de Suva, que nous avions un peu agacée à choisir des séries de superbes timbres pour nos amis collectionneurs, puis à changer d'avis devant le prix annoncé, et à lui faire ranger tout son bazar. Peu rancunière, elle nous a fait signe lors de notre visite suivante à la poste pour nous donner de superbes cartes téléphoniques locales pour ceux que ça intéresse, et prendre notre adresse pour de futurs envois ! Il y a eu la rencontre avec Laetitia, équipière française sur le Rainbow Warrior, en escale à Suva en même temps que nous. Elle est venue un petit moment sur Ilboued nous raconter comme si nous y étions les premières péripéties de Greenpeace à Mururoa en juillet, et l'arraisonnement des zodiaques par la Marine Française, etc...
Et il y a eu aussi un peu de ménage, un peu de bricolage à bord, quelques courses quotidiennes au marché local et extraordinaire en ville (car Bruno refusait de manger des conserves à l'escale), il y a eu le kawa offert par nos amis locaux, et tant d'autres souvenirs...
Nous avons dû partir de Suva pour que Christine soit sûre d'être à l'heure pour son avion à Nouméa. Nous n'avons du coup vu ni les îles Cook, ni les Samoa, ni les Tonga, ni etc... Mais lors du prochain tour, nous referons halte à Suva aux îles Fidji, c'est sûr !