Incroyable !
J'ai manqué pas mal de rendez-vous dans ma courte vie, et j'ai toujours eu du mal avec le respect des horaires. Mais retrouver Brigitte sur le quai de Vaitape à Bora Bora, après avoir obtenu mon passeport à l'arraché à Montpellier, fait coïncider taxi et avion vers Paris, accompagné Jérémy et Julie au TGV destination Dunkerque, emprunté un vol AOM non confirmé à temps, fait une correspondance à Papeete grâce à une réservation téléphonique de France, cela tenait du miracle...
Alors, j'ai l'impression que je n'ai fait que rêver tout haut ce projet qui me paraissait quelque peu osé ! Bref, après une année galère d'adaptation à mon nouveau boulot d'enseignante, est-ce qu'on s'adapte jamais, "c'est quand qu'on va où?" Cette pause était providentielle. Alors, je l'ai jouée vacancière, me reposant sur l'accueil et l'hospitalité de Brigitte, et sur le discernement et la gentillesse (eh oui !) du capitaine que j'ai découvert à cette occasion.
Profitant d'un mal de mer léger et discret des premiers jours, j'ai adopté et apprécié la position horizontale et attaqué sans espoir une partie de la bibliothèque du bord. J'ai dévoré Moitessier, la biographie de Joan Baez, et j'en passe... La discothèque n'est pas mal non plus et j'en ai entamé une écoute studieuse. Je n'ai pas fait que le tour de ma couchette, le pont en plein soleil, c'était bien agréable aussi, et aussi les apéros de midi et 18h, les couchers de soleil, les contemplations de l'eau.
Il y avait de plus toujours une clause dérogatoire pour les quarts de nuit, mais j'ai attrapé le virus, et je n'appréciais pas trop de me voir relayée, ne serait-ce que pour une demi-heure ! Bien sûr, dès qu'il y avait un souffle de vent de travers, une lumière à l'horizon, ou un caillou, je réveillais le capitaine, selon ses instructions, mais il était prié d'aller se recoucher une fois la situation rétablie, non, mais, quoi !?! On finit par être jaloux de ses heures de tête-à-tête avec la mer là-dessus. Fou, non ?
Et tout ça, c'est pour la pleine mer, la nuit sous les étoiles... Les escales, c'est encore un autre monde. J'ai vu les cocotiers, les plages blanches et l'eau verte des lagons des cartes postales, ça existe en vrai ; j'ai retrouvé les ambiances indiennes d'un voyage initiatique d'il y a longtemps, j'ai dépoussiéré mon anglais avec les copains du mouillage, longé la grande terre de Calédonie dans les brumes, et traversé Maré en stop avec Brigitte.
Je pourrais tout vous raconter, mais ça prendrait des plombes ! Et même je suis rentrée, mais regonflée par tous ces vents, ces gens, ces ailleurs. Allez voir en Asie, dans l'Océan Indien, à partir de ce cocon qu'est Ilboued avec ses marins, on peut tout regarder, tout voir, tout apprécier... De toute façon, moi, il faut que j'y retourne pour ma leçon de nœuds inachevée...
- Renaud, "à la Belle de Mai"