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Ilboued : Un Dériveur en Quête de Criques et Plages

posté les 13/09/1991 par Bruno vue(s)686

En Cornouaille Anglaise

En Cornouaille Anglaise

Aire de carénage à Lorient

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Sauzon

Sauzon

Ilboued : Un Dériveur en Quête de Criques et Plages

#CELTIE & NAVIGATIONS

posté le 13/09/1991 par Bruno vue(s)686

Ilboued est un dériveur. Ce fut un choix de départ et ce fut le bon choix. La Bretagne regorge de petites criques et plages que nous avons découvertes au gré de nos vagabondages, et quel plaisir de pouvoir mouiller où l’on veut, pouvoir s’engager dans de petites passes grâce à notre petit mètre de tirant d’eau !

Combien de nuits avons-nous passées échoués sur des criques, un peu à l’écart des grappes de bateaux mouillés dans les eaux plus profondes. Nous avons découvert le plaisir du beachage, l’arrivée en douceur sur les fonds de sable fin, le bateau caresse doucement le fond, s’immobilise, il ne reste qu’à porter une ancre ou un bout à terre, attendre un petit quart d’heure et on peut débarquer à pied sec, aller ramasser quelques bigorneaux, visiter les mégalithes du coin ou observer les petits goélands qui commencent à battre des ailes (en prenant garde aux parents qui tournent en criant au-dessus de nos têtes et dont les becs sont en général assez menaçants...)

Avoir un dériveur, cela nous permet aussi de narguer les pontons et les capitaines de ports, non pas méchamment, mais souvent par principe. Quand le bateau a sa propre autonomie, pourquoi devoir payer le prix fort simplement parce que nos amarres s’usent un peu la nuit sur un anneau prévu à cet effet ? Bien sûr, nous profitons de l’abri de passage, bien sûr, en voulant éviter de payer cette taxe, nous avons souvent, trop souvent emmêlé dans l’hélice un bout de corps mort d’une barque de pêcheur, en voulant nous réfugier dans un petit coin près du quai, et en nous rapprochant un peu trop des petites barques qui encombrent le passage non prévu pour les gros bateaux comme Ilboued. Bien sûr, les ports de plaisance ont besoin de faire payer les services et équipements qu’ils mettent en place pour leurs visiteurs. Mais nous payons déjà quelque part notre place à l’année, et donc tous ces services. Et puis il est assez curieux de se faire accueillir, quelquefois même avant d’avoir fini d’amarrer le bateau, par une formule de bienvenue du style : “quelle longueur fait le bateau, d’où venez-vous, combien de temps resterez-vous ? Ça fera tant pour la nuit...”, c’est triste, mais véridique. Nous avons eu quelques petites altercations avec certains de ces responsables de port, bougons et peu accueillants, par contre il en existe aussi de charmants avec qui le courant est passé, et qui en plus de leur métier semblent aimer la mer et les bateaux.

Mais bien sûr cet aspect de la question dériveur n’est pas le plus important. Outre les nuits passées, échoués sur des plages de sable fin, nous avons pu nous glisser dans un tas de passes peu fréquentées, arriver et mouiller dans de petites criques isolées, en provoquant quelquefois nombre de commentaires et cris d’alerte de la part de riverains pleins de prévenance et étonnés de nous voir là où généralement seuls des bateaux de plus petit calibre se risquent. Une des fois les plus drôles fut en Espagne où nous avons mouillé tranquillement sur une plage, descendu une échelle à l’avant du bateau et débarqué à pieds secs pour savourer une bonne cerveza bien fraîche. Mais le passage menant au troquet fut bientôt barré par un attroupement de pêcheurs, tentant de nous expliquer avec de grands gestes à l’appui que la mer allait descendre, le bateau se coucher, etc... Et nous tentions avec de grands gestes de nous frayer un chemin en expliquant que nous connaissions le phénomène des marées, que tout allait bien. Nous sommes repartis en nous promettant d’enrichir notre vocabulaire espagnol de quelques termes techniques supplémentaires.

Les souvenirs de remontées de rivières sont aussi merveilleux, depuis la balade inaugurale dans les canaux jusqu’à la découverte de paysages du bout du monde cachés dans la campagne bretonne, en se promenant sur les rivières aux berges fleuries jusqu'au premier pont dont le tirant d'air nous barrait le passage.

Bien sûr, il y a aussi quelques gags quand le bateau s’échoue, par inadvertance légèrement (ou moins légèrement) penché lorsque sournoisement les fonds remontent brusquement à l’endroit où nous sommes arrêtés. Nous tâchons alors de descendre à terre en catimini, pas fiers du tout et nous faisant remarquer le moins possible. Dans ces cas-là aussi, la nuit peut être passablement inconfortable...

Et aussi quand on oublie malencontreusement de remonter la dérive, persuadé chacun qu’un autre l’a fait, notre route vers le fond d’une petite anse abritée peut être stoppée brutalement par un talonnage intempestif, quelquefois irréparable jusqu’à la marée suivante. Et alors quelques angoisses peuvent nous saisir, quel est l’état des fonds, la dérive va-t-elle tenir le coup, angoisses encore exacerbées par le fait, comme c’est arrivé, que l’échouage se soit produit en pleine zone militaire, mouillage interdit devant le port de sous-marins de Lorient...

Et le dernier secret lié à la dérive que je vous livre, c’est que lorsqu’elle cogne régulièrement dans son puits, et que le bateau roule tranquillement en avançant majestueusement toutes voiles dehors, c’est une série de rêves érotiques, non racontables ici bien sûr, provoqués bizarrement par la conjonction de tous ces éléments pour celui ou celle qui s’est isolé dans la cabine avant, histoire de faire une petite sieste...